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Stephane Rollet: trajectoires digitales.


C’est l’histoire d’une histoire qui n’aurait jamais dû avoir lieu. Stéphane ROLLET est rééducateur-masseur-kinésithérapeute installé en cabinet à Saint-Cyr au Monts-d’or près de Lyon.

Il y a quelques années alors qu’il s’occupait de la rééducation du poignet d’une de ses amies, celle-ci lui parle d’un informaticien-roboticien cherchant conseil auprès de masseurs-kinésithérapeutes en vue de construire rien moins qu’un robot-masseur. Stéphane se souvient alors vaguement de lui et répond que ce dernier l’a déjà contacté et que cela ne l’a pas interpellé. Pris d’un remord et se souvenant à quel point il s’intéresse aux technologies digitales, il note cette fois-ci son numéro et le rappelle. Un bref contact téléphonique avec François (EYSSAUTIER) montre qu’ils sont en fait proches géographiquement.

Première rencontre : trois heures de dialogue ininterrompu.

Le début d’une aventure singulière avec Capsixrobotics où Stéphane ROLLET est devenu partie prenante.

Comment un soignant de terrain, non roboticien a-t-il pu intégrer une start-up si innovante ?

Plusieurs raisons sont à prendre en compte : Stéphane est en fait depuis toujours versé dans le digital. Lorsqu’on lui pose la question de son premier contact avec un ordinateur, il répond sans hésiter : « la tortue graphique, c’était trop bien de la guider dans un monde que j’avais créé ». Un monde certes informatique et virtuel, mais un univers complet, ici un espace de jeu, que l’on créait de toutes pièces avec les outils pour le façonner. La version digitale ultra-puissante du vieux jeu de construction en bois que nous ont légué nos parents et grands-parents. Pour les geeks des années 80, l’évocation de la fameuse tortue graphique -faussement simpliste, ce qui a desservi le projet- évoque avant toute chose le langage LOGO dérivé du LISP et les travaux à visée pédagogiques d’une icône de l’informatique du M. I. T. (Massachusetts’s Institute of Technology) : Seymour PAPERT.

Que disait cet émule de Jean Piaget, célèbre psychologue de l’éducation à l’origine du courant constructiviste ?

Seymour PAPERT soutenait que l’enfant devait apprendre à se connaitre, notamment sur ses méthodes et ses capacités d’apprentissage personnelles. Ainsi il était cohérent de lui laisser configurer -construire- ses outils (ses procédures) pour traiter les problèmes (sous formes de variables : les arguments). Il définit les bases du langage LOGO, un langage orienté objet comme le sont les langages informatiques (Python pour ne pas le nommer, C#, Swift etc… ) utilisés en 2019, soit donc 50 ans plus tard. Il avait vu juste pour ce qui est des langages informatiques, un peu moins sur le plan éducatif. En effet on peut dire qu’intuitivement Seymour PAPERT est un Haut Potentiel Intellectuel contrarié par un système éducatif inadapté et qui a trouvé dans l’outil symbolique de la programmation informatique un puissant moyen d’expression. Ce moyen d’expression ne peut s’appliquer à tous et limite les capacités d’interaction entre les différents acteurs programmeurs. Il ne forme que des individus avertis à la chose digitale et non pas au travail collaboratif. Ces projets informatiques ont été écrits à une époque où le Web n’existait pas encore et où Internet était embryonnaire.

La notion de langage informatique orienté objet demeure essentielle.


De quoi parle-t-on ?

Tout simplement un ensemble de procédures informatiques écrites une fois pour toutes (les informaticiens sont des flemmards : tant mieux). Ce sont des fonctions que l’on peut appeler à tout moment une fois qu’on les a chargées dans la machine pour traiter des classes d’objets abstraits ou très concrets comme des listes de choses (à peu près n’importe quelle chose : vous aimez manger quoi, vous ? Les fruits, les produits laitiers… les légumes, la viande ? Sous quelle forme… surgelés, sous vide… bio, produits en marque blanche ? C’est toute la puissance de ces langages orientés sur la configuration de données de toutes sortes, par exemple les courses à faire. Un peu comme si dans un monde virtuel vous aviez un robot - toujours virtuel- pour ranger vos courses - procédure « robot_range_course » - après les avoir faites faire par un autre robot - procédure « robot_qui_fait les_courses » -, après avoir créé la liste des éléments à traiter qui sont les courses à faire (liste_des_courses_de_base=[pain, beurre, œufs, viande,etc]), dans la procédure créer_liste_de_courses. Le Logo vous donnait la possibilité de construire virtuellement vos robots puis de les déplacer virtuellement dans votre monde à vous. Vous pouviez aussi configurer des robots virtuels pour repeindre votre plafond virtuel, arroser virtuellement vos plantes, ou pourquoi pas vous faire virtuellement masser après une longue et stressante journée. Dans le Logo, le robot virtuel était une tortue toute gentille que l’on apprenait à guider à la manière d’un navire (« barre au 45 sur 10 cm » !) dans le monde virtuel représenté par l’écran (cathodique) de l’ordinateur. Bref tout cela stimulait et stimule encore la créativité des plus jeunes, devenus maintenant un peu plus vieux.

Stéphane ROLLET évoque ainsi avec passion son premier PC configuré sur mesure avec des composants choisis chez un LDLC naissant dans le quartier de la Guillotière. Il apprend seul le TurboPascal durant son adolescence (caractéristique d’un Soignantrepreneur : l’apprentissage autodidacte dicté par la passion). Une question se pose : pourquoi n’avoir pas poursuivi cet atavisme pour le monde digital ? Pour une raison simple : en marge du digital, il y avait et il y a toujours un vrai monde avec de vraies personnes, et ce monde vous façonnait et vous façonne encore. Les expériences d’apprentissage par tortue graphique interposée ont en effet montré de sévères limitations, notamment sur le plan social. Le mouvement initié par les génies du M. I. T. avait un peu vite oublié qu’un enfant se construit certes seul, mais aussi socialement. Le vécu d’un gamin, c’est celui de son entourage scolaire - camarades et professeurs - mais aussi familial et souvent sportif et/ou artistique.

Sur le plan familial, de formidables qualités chez ses parents. Son père de formation financière, basketteur de compétition, entrepreneur d’une société vendant des avions à des clubs de parachutisme avec de sérieuses difficultés financières et des démêlés avec les autorités de justice. Une maman solide comme un roc, chercheuse en biochimie spécialiste des ARN. Stéphane savait techniquer des tests immunologiques Western Blot à 13 ans : incroyable ! Un milieu familial instable - des déboires conjugaux entre ses parents- , ainsi que des frères et sœurs trop accidentés de la vie pour prendre de la distance avec leur mère. Stéphane trouve la stabilité dans la pratique du sport de haut-niveau. Il approche l’équipe A de la C.R.O (Croix Rousse Olympique, équipe de basket fameuse longtemps rivale de l’ASVEL). Son entraîneur est clair avec lui : il ne le voit pas devenir professionnel. Il fallait donc suivre une voie plus académique : Direction la faculté de Médecine où Stéphane devient Kinésithérapeute-rééducateur. Il va trouver dans cette activité de soin le contact physique et la proximité avec les patients, car en plus de qualités sportives (coordination développée : intelligence kinesthésique selon GARTNER), il développe le sens du toucher ainsi qu’un sens affuté de la relation humaine. Et outre le plaisir qu’il a eu à manipuler les concepts de programmation informatique dans un monde architecturé selon ses rêves, il évoque ses expériences de relation quasi physique avec le clavier d’ordinateur ! Il communique son plaisir du contact avec certains claviers alors que d’autres lui sont désagréables. Un fait pour le moins original mais cohérent avec son activité professionnelle principale de massages-rééducation.

L’importance de la proximité avec les individus, sous la forme du toucher. Cela peut sembler évident, mais ne tombe pas sous le sens pour l’ensemble de nos congénères : toucher les autres, être touché n’est pas si simple. Cela s’apprend. C’est là une des caractéristiques associées aux Soignantrepreneurs : ils ont appris à toucher les autres ! Ils savent rentrer dans la sphère d’intimité d’autrui sans les mettre mal à l’aise et construire une relation de confiance afin d’apporter soin et bien-être. Leur expérience professionnelle devient déterminante : et ici Stéphane partage avec l’équipe de développeurs les paramètres qu’il privilégie pour optimiser la machine intelligente qu’ils mettent au point ensemble. Il évoque combien sont importantes les tensions musculaires, les sensations de toucher cutané variant avec les patients et bien entendu leurs humeurs elles-mêmes fonction de leur vécu. Le toucher… les sensations : tout un monde. Savez-vous qu’ils ont passé plus d’une année à trouver la meilleure matière à l’interface entre le bras robot et le patient ? Et qu’ils ont trouvé, anecdote croustillante, que le silicone des vibromasseurs féminins était LA matière idéale ? Capsix devenait CapSex. Un atelier créativité effectué avec les équipes des 48 heures de l’INSA les avait mis sur la voie. D’après lui, toutes les équipes en concurrence avait évoqué les possibilités de massages érotiques apportées par le projet.

Et pourquoi pas ? C’est un immense champ de développement.

Stéphane ROLLET fait corps avec son projet et avec le robot (le Soignantrepreneur l’incarne en effet) : il imagine ses mains et ses bras guidés par le software du robot pour optimiser leurs trajectoires. Il imagine aussi les softwares guidant au mieux le bras robotique pour rester au plus proche du patient en fonction de l’effet désiré car son expérience professionnelle lui appris de nombreuses façons de masser. L’imagination est en effet un puissant levier, non loin du rêve éveillé (les Soignantrepreneurs sont des rêveurs éveillés et les pieds dans la réalité). Et la conversation avançant, Stéphane nous fait rentrer dans son imaginaire, où le bras robot serait un formidable majordome de soin conjugal délassant alternativement les partenaires après de longues heures de travail harassant comme le sont celles où l’on prend soin de l’autre dans le cadre de relation thérapeutiques comme celles des Soignantrepreneurs avec leurs patients. Il en sait quelque chose, car associé avec son épouse elle aussi kinésithérapeute. Les côtés associatifs et professionnels prennent donc une place significative dans sa vie de famille. Ainsi il comprend les relations d’associés existant au sein d’un couple ! Ses associés sont maris et femmes. De par son expérience d’association avec son épouse, il sait trouver l’empathie et le ton nécessaires pour gérer les tensions inévitables entre Carole et François, et ses capacités relationnelles développées par son expérience professionnelle individuelle lui permettent de désamorcer les conflits (c’est une fonction essentielle des Soignantrepreneurs…). CapsixRobotics : Qu’en est-il concrètement ?

L’ADN de la société Capsixrobotics est particulier est unique. C’est la configuration d’un modèle adapté au relief et à la surface cutanée du patient à masser par déformation d’un modèle de base. Ce modèle de base acquis en open source est modifié (procédure de morphing) à partir d’une prise de vue 3D réalisée par une caméra initialement par une KinectV2 (caméra infrarouge dite de profondeur destinée à scanner le relief d’un objet). Elle est réalisée aujourd’hui par un outil plus précis à base de D435 Intel (https ://www.intelrealsense.com/depth-camera-d435/), toujours fondée sur l’utilisation du rayonnement infrarouge. A partir de la définition du modèle du patient, il est possible de créer un référentiel fixe dans lequel le bras robotique se déplace efficacement et dépose sur le patient la merveille de silicone produisant l’effet recherché.

Le succès du concept est indéniable. Après une courte incursion dans le domaine du soin médicalisé, beaucoup trop normé et où les investissements et les temps de développement sont multipliés par un facteur dix en France, l’entreprise s’oriente vers le domaine du bien-être et de la relaxation. De séances de pitchs en séances de pitchs (notamment au cours du cursus Entrepreneurial Dynamics supervisé par Alexander Bell, directeur de l’incubateur de l’EM Lyon), de tables rondes en tables rondes, de séminaires en séminaires, de salons en salons, nationaux puis internationaux (Medica en Allemagne) l’initiative Capsixrobotics est reconnue. Le rayonnement de l’entreprise est actuellement européen ce qui ne va pas sans poser des problèmes d’organisation de la croissance de l’entreprise notamment en termes de présence médiatique.

Le problème de Stéphane (problème central des Soignantrepreneurs) est en fait celui de la répartition de son activité entre son cabinet et l’entreprise CapsixRobotics. Un accord avec les autres associés lui donne un statut spécial puisqu’il est présent sur son temps libre entre 1 et 2 jours par semaine sur H7 l’incubateur hébergeur, situé à la Confluence. Il s’engage à participer à 30% des salons ce qui n’est pas sans générer fatigue et stress déjà importantes dans le cadre d’une activité totalement libérale. Il faut aussi rappeler les contraintes financières des cabinets libéraux de massages rééducation (faibles tarifs des actes sans possibilités de suppléments, quotas annuels, ce qui explique le développement des actes non conventionnés comme l’ostéopathie). L’implication financière des actionnaires de start-up est majeure et le retour sur investissement n’est pas encore assuré. Pour l’instant l’ensemble a un sens évident et les levées de fonds initiales sont faites. Il faut toutefois voir beaucoup plus loin. Une future levée de fonds plus importante (1 M- 1,5M d’euros) autorisera l’investissement dans plusieurs bras robotisés afin d’intervenir dans des sociétés partenaires pour faire apprécier la haute technologie française.

Le leadership appelle enfin la concurrence : comment garder une longueur d’avance ? La concurrence est là bien que les concurrents soient encore loin de leur expérience ou de leur culture : un Singapourien repère et stimule les points d’acupuncture, un américain utilisant 2 bras n’est encore qu’au stade de concept car l’interface robot/patient n’est qu’une boule de massage. Une start-up portugaise mystérieuse est sur leurs traces : pour le meilleur ? Rencontrer Stephane Rollet fût un honneur et un plaisir. Quel soignant incarne-t-il plus que lui un tel projet alliant rêve et applications pratiques ? Qui serait plus adapté à un tel projet qu’un soignant déjà entrepreneur de son activité libérale et aux compétences digitales affûtées, à même de dialoguer avec ses associés et leur équipe de développeurs ? Au plaisir de se revoir et de suivre les aventures de Capsixrobotics.fr et les développements surprenants du massage robotisé.


Olivier Ray, soignantrepreneurs.com founder, 5/01/2020

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